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Une saison d'ouverture et d'audace au Théâtre de la Commune


  • Frederic Bélier-Garcia - image scène web

Frédéric Bélier-Garcia et Aymar Crosnier ont pris la direction du Théâtre de la Commune l'année dernière. Un an après, quel bilan et quelles perspectives pour cette saison 2025-26 ? Interview

93 secondes : Vous êtes arrivés au Théâtre de la Commune il y a un peu plus d’un an. Quel bilan tirez-vous de cette première année au théâtre ?


Frédéric Bélier-Garcia :
On est arrivés avec un projet que nous avons écrit ensemble, que nous avons voulu appliquer cette saison, avec l’idée d’ouvrir le lieu aux acteurs et actrices culturels qui nous ont accueillis avec une grande amitié — que ce soit les RCI (Rencontres Chorégraphiques Internationales d’Aubervilliers), Villes des musiques du monde, ou les partenaires d’Aubervilliers.
C’était une manière d’ouvrir le théâtre au territoire, mais aussi à un public plus large. Et le public est effectivement venu en nombre : on a multiplié par trois la fréquentation cette saison.
Nous avons aussi développé une manière de programmer un peu différente. C’est-à-dire une saison régulière avec des projets que l’on qualifie « sans chapelle », à l’image de la complexité du monde — parfois même contradictoires.
Et aussi une manière différente de présenter les artistes, avec ce système que nous avons appelé les « Pavillons d’Aubervilliers ». Nous en avons présenté cinq cette année, il y en aura quatre l’année prochaine. Ils sont conçus en co-invention avec un artiste, à qui nous permettons de métamorphoser artistiquement le lieu pendant un certain temps.
L’artiste y présente une création, mais aussi invite d’autres artistes de son univers. Ensemble, nous proposons un moment immersif, un regard singulier sur le monde.
Cette invention s’est réactualisée dans la pratique tout au long de cette première saison, et cela a été un grand succès en termes de potentialités créatives et artistiques.

Aymar Crosnier :
Ce que l’on constate aujourd’hui, si on doit faire un premier bilan, c’est que ce projet de pavillons a été très vite compris — et on le voit, parce qu’il a été très bien fréquenté. Il définit le nouveau projet de La Commune d’une manière assez claire.
Le tout premier pavillon a été important pour nous : c’était un pavillon "festivals".
Nous avons invité un festival tunisien, qui se déploie habituellement dans toute la médina de Tunis. Pour nous, l’équivalent de cette médina, c’est le 93. On s’est donc déplacés dans le territoire : au Point Fort, à La Station, au Conservatoire, aux Laboratoires d’Aubervilliers, à la Vie ou d’Été… On s’est vraiment tout de suite orientés vers de multiples partenariats.

93 secondes : Qu’est-ce qui vous a le plus surpris à votre arrivée ici, au Théâtre de la Commune ?


Frédéric Bélier-Garcia :
Que ce soit sur le lieu ou sur le territoire, on avait reçu beaucoup de mises en garde. Mais quand on arrive avec un projet artistique, avec l’envie de le défendre, avec une certaine allégresse et cohérence, les choses s’enclenchent.
Il y a beaucoup d’envie : du côté des milieux scolaires, des associations, du travail en quartier.
On a organisé plusieurs bals populaires avec des chorégraphes contemporains, et les choses ont été étonnamment simples.

Aymar Crosnier :
Ma grande surprise, ça a été l’appétence d’une jeunesse qui veut venir au théâtre.
J’ai été frappé par la mixité, non seulement sur le plateau — ce qu’on voit souvent — mais surtout dans la salle. Et ça, c’est une vraie, agréable surprise. C’est aussi le fruit du travail énorme de l’équipe.

93 secondes : Votre programmation est assez différente de celle de la précédente directrice. Quelle incidence cela a-t-il eu sur les publics ?


Frédéric Bélier-Garcia :
C’est le propre des CDN (Centres Dramatiques Nationaux) : on confie la direction artistique à des artistes, donc chaque mandat est une expérience singulière.
Le public de Marie-José Malis ne s’est pas senti exclu. Certaines personnes qui ont travaillé sous ses mandatures — comme Olivier Coulon ou Ivan Jablonka — ont été reprogrammées, avec des coproductions.
Des publics sont revenus. Nous avons aussi voulu renouer avec certaines choses qui s’étaient un peu effilochées, notamment avec les autres acteurs culturels du territoire.
Et on mise beaucoup sur le voyage des publics. On fait plus de danse qu’avant. Par exemple, on a eu un pavillon avec l’artiste brésilienne Callisto Netto sur les corps noirs au Brésil, ce qui nous a permis de toucher d’autres publics.

93 secondes : Quelles sont les grandes lignes directrices de votre projet pour la saison 2025-26 ? Les grandes valeurs que vous portez dans la programmation ?

Aymar Crosnier :
Il n’y a pas de chapelle esthétique. Il n’y a pas que du théâtre : il y a aussi de la danse, de la performance, des lectures — on a même inventé une autre manière de proposer des lectures, dans des cabines. Il y a des bals…
Tout cela élargit le spectre des publics.
Une chose importante pour 2025-26 : sur dix-huit propositions, la moitié sont des créations.
La saison est presque entièrement construite avec des compagnies — pas de grandes institutions invitées. On défend un milieu : on le coproduit, on le présente, on le crée, on le diffuse.

Frédéric Bélier-Garcia :
Le théâtre reste une marche culturelle assez haute, pas évidente pour tout le monde. Il faut des processus de confiance pour faire venir les gens dans le lieu.
Même à Aubervilliers, une partie de la population n’a pas encore identifié le théâtre comme un endroit où l’on peut entrer, voir des spectacles, faire la fête.
L’universalité de la musique ou de la danse n’est pas la même que celle du théâtre, qui repose sur le texte — ce qui crée souvent un biais avec des publics qui n’y ont pas facilement accès.
La diversité de notre offre, on la maintient, car c’est une façon d’entrer dans le territoire qui nous semble pleinement justifiée, surtout ici.

93 secondes : Quels sont les grands rendez-vous de cette saison ?


Frédéric Bélier-Garcia :
L’an prochain, j’ouvre avec une création. Une création que j’ai voulue à rebours de la disette artistique actuelle, avec douze acteurs.
C’est une pièce d’un auteur contemporain russe exilé à Varsovie — pour moi, l’auteur le plus malin de l’époque.
C’est une « pièce-monde » qui raconte une ville la nuit à travers huit sketchs ou méditations absurdes.
Une nuit dans laquelle errent quatorze personnages totalement ivres, qui traversent des thèmes comme l’amour, la liberté, la mort, le deuil…
Et bien qu’ils soient non-croyants, ils expliquent comment chacun entend le chuchotement de Dieu en lui.
C’est une pièce mosaïque, avec des gens qui n’auraient jamais dû se croiser… et qui se croisent.

Il y a huit créations cette saison, avec des artistes débutants et d’autres très confirmés.
Il y a aussi quatre pavillons :

  • un pavillon théâtre, un pavillon auteurs/autrices, un pavillon jeune public et un pavillon danse.

Le premier pavillon, nous l’avons inventé avec Philippe Quesne, qui vient créer sa prochaine pièce ici.

Aymar Crosnier :
Étant directeur artistique de la Ménagerie de Verre et des Inaccoutumés, Philippe Quesne nous a permis d’inviter Les Inaccoutumés à venir ici.
Tous les pavillons sont des programmations en construction.
Le deuxième pavillon est un pavillon "auteur". L’année dernière, c’était Marie NDiaye. Cette année, c’est Pasolini, à l’occasion du cinquantième anniversaire de son assassinat.
Nous avons invité Sylvain Creusot, qui viendra avec une vingtaine d’étudiants du Conservatoire de Paris. La dernière promotion créera une "étude pasolinienne" autour de Pylate.
Tout le mois de janvier, le théâtre deviendra une sorte de conservatoire vivant, avec deux promotions. La jeunesse est comme un fil rouge entre les pavillons.

Le pavillon jeune public accueillera une commande à Nathalie Béasse. Ce sera le début d’une « collection vivante » pour la jeunesse : le premier chapitre sera autour de la peur. La saison suivante, une autre autrice travaillera sur le thème de l’amour.

Le quatrième pavillon — le pavillon danse — nous emmène à la Petite Espagne, à la Plaine Saint-Denis. Cette parcelle de territoire nous a inspirés : elle nous a donné le prétexte légitime d’inviter La Ribot, chorégraphe madrilène, qui présentera ici Là-bas, sa pièce créée au Festival d’Avignon l’an dernier.

Frédéric Bélier-Garcia :
Dans les créations, juste pour en citer deux :
Juliette Davis, qui avait présenté ici deux faux biopics — sur Céline Dion et Jean-Claude Van Damme —, clôt cette année son triptyque avec une création sur Pedro Almodóvar.
Deux autres acteurs vont incarner des personnages de son univers, dans une fiction futuriste autour de la sexualité, avec des codes de stand-up détournés.

Et Julien Gaspard-Hollyberry, qui a signé la série Ceux qui rougissent (très remarquée sur Arte), va créer ici une variation inédite.

Lundi 21 juillet 2025 - 09:41

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