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Les anciens studios Charles Pathé à Montreuil


Charles Pathé naît en 1863, un 26 décembre, en Seine-et-Marne, de parents alsaciens. Il part chercher fortune en Argentine où il pratique plusieurs métiers. De retour en France, il se passionne pour le phonographe, une invention de Thomas Edison (1847-1931), et en exploite un exemplaire perfectionné sur les champs de foire de Seine-et-Marne. Le succès qu’il emporte auprès des forains l’incite à ouvrir un magasin, cours de Vincennes, tout près de la foire du Trône. Il va en Grande-Bretagne où il achète des phonographes à bas prix qu’il revend dans son magasin français avec une marge confortable. S’intéressant particulièrement à une toute nouvelle invention, le cinématographe, Charles Pathé fonde, en 1896, avec son frère Émile (1860-1937), la société Pathé frères et se lance, la même année, dans l'industrialisation de l'enregistrement du son. Il enregistre sa propre voix, des chansons et un discours du président Sadi Carnot.

Pathé fait édifier un studio provisoire à Montreuil

collection Fondation Jérôme Seydoux-PathéCharles Pathé étend ses activités dans le commerce des projecteurs et des films. Il comprend vite que la location des films, pour une durée de quatre mois maximum, est une activité plus lucrative que la vente. Puis, il s'associe avec des financiers, ce qui lui permet d’augmenter son capital. Le 28 décembre 1897, les nouveaux capitaux de la société "Pathé frères" lui permettent de créer la "Nouvelle Société Pathé Frères", société de production qui entre dans la grande finance. Tous les secteurs d'activité sont alors exploités : la production, les laboratoires, la diffusion, l'exploitation de films... Pathé Frères est la première société à exploiter l’industrie cinématographique au niveau industriel.

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En 1898, Charles Pathé ouvre un théâtre, à Vincennes, dans un ancien bistrot et y tourne dans la cour ses premières prises de vues. Là encore le succès est au rendez-vous et Pathé achète, en 1901, rue des Vignerons à Vincennes, un terrain sur lequel il édifie son premier studio. L’année suivante, il lui faut s’agrandir et un autre studio voit le jour quelques dizaines de mètres plus loin, rue du Bois. Ce n’est toujours pas suffisant et Charles Pathé décide de construire sur ce dernier site un nouveau studio de prises de vues encore plus important. Nous sommes en 1903 et le succès de ses films lui interdit l’interruption des prises de vues pendant la construction du nouveau studio. Il loue une maison au n°1 de la rue de Paris, à Vincennes, en attendant l’ouverture d’un studio provisoire situé non loin de là, à Montreuil, au 52 rue du Sergent-Bobillot.

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Le 1er mars 1904, les nouveaux locaux de Montreuil sont inaugurés. Il obtient une subvention lui permettant d’y réaliser un studio qu’il souhaite entièrement vitré afin de profiter au maximum de la lumière naturelle pendant les tournages de films. Le premier film tourné sous la direction de Ferdinand Zecca dans ce nouveau studio serait L’incendie du théâtre de Chicago. Selon Hugues Laurent, l’ancien décorateur du studio, le premier serait Christophe Colomb tourné en 1904.

Pendant ce temps, la construction du studio de Vincennes, édifié sur trois niveaux, est en passe de s’achever et la fermeture de Montreuil, studio provisoire installé sur un seul niveau, est envisagée. En fait, les deux sites sont complémentaires et les tournages de films s’enchaînent, à la fois à Vincennes et à Montreuil, ce qui rend compliquée la localisation des tournages. Il semblerait malgré tout que La Valise de Barnum, Roman d’amour, Joseph vendu par ses frères, L’Assassinat du préfet de Saint-Pétersbourg et Les Dessous de Paris aient été tournés à Montreuil !

Les beaux jours du studio vitré de Montreuil

Gilbert Schoon - collection Fondation Jérôme Seydoux-PathéDe 1902 à 1904, Charles Pathé ouvre des succursales en Europe et aux États-Unis. La production de films passe de soixante-dix en 1901 à cinq cents en 1903. À cette date, Pathé offre un catalogue de près de 500 films contre 350 pour la Star Film de Méliès, 500 pour les Lumière et 650 pour Gaumont. En 1905, l’industriel est à l’apogée de sa carrière : la société crée le logo du coq gaulois, qui reste aujourd'hui encore son emblème, Max Linder est engagé par la Nouvelle Société des Frères Pathé et Charles crée le premier journal d’actualités. Pathé se développe sur tous les fronts avec, notamment, la production d’appareils de projection professionnels mais aussi pour le grand public, tout en ouvrant des succursales un peu partout dans le monde (Calcutta, Budapest, New-York…).

À Montreuil, le premier étage de l’ancienne écurie du distillateur Hémard, située à côté du studio vitré, est transformée en loges pour les comédiens et pour les figurantes. Quant aux figurants, ils se changent dans les ateliers de décoration contigus au studio de prises de vues. Pathé avait engagé Ferdinand Zecca en 1899 et l’homme était rapidement devenu son bras droit. Zecca devient, en 1906, le premier producteur de cinéma au monde. Sous sa direction, le studio de Montreuil devient le lieu de référence. Max Linder, toujours sous contrat avec Pathé, y tourne, entre 1910 et 1914, de nombreux films.

En 1908, Pathé possède sept studios situés à Montreuil et à Vincennes mais aussi à Belleville, Joinville-le-Pont, Nice, Marseille. Il implante des filiales en Russie, en Amérique, en Italie et en Belgique. Mais les firmes américaines prennent de plus en plus d’importance et, en 1913, les studios Pathé subissent de plein fouet leur concurrence. Le premier conflit mondial amplifie le phénomène : les entreprises françaises Pathé, Gaumont et Eclair divisent par dix le nombre de leurs productions. À la fin de la guerre, Pathé doit supprimer son activité de production de films et l’entreprise est réorganisée : Pathé-Consortium-Cinéma distribue et exploite les films et les appareils de projection tandis que Pathé-Cinéma produit et commercialise la pellicule. Au lendemain de la guerre, le studio de Montreuil voué à la production n’a plus aucune utilité. Le Secret d’Argeuille est l’un des derniers films réalisé par Pathé, à Montreuil, en 1918. Le studio vitré est désaffecté.

La Société des films Albatros à Montreuil devient le fief des Russes blancs

Au moment de la Révolution d’Octobre, en 1917, de nombreux cinéaste russes fuient leur pays et se réfugient en France. Parmi eux, Joseph Emoliev qui avait été, dans un premier temps, le responsable de l’agence moscovite du Pathé Journal puis était devenu le distributeur des films Pathé en Russie. Lorsqu’il fuit la révolution soviétique, il entraîne avec lui nombre d’acteurs russes appartenant à sa troupe réfugiée à Yalta, dont Ivan Mosjoukine (1889-1939), un grand acteur russe de l’époque, sa compagne Natalie Lissenko, les cinéastes Alexandre Volkoff, Protazanov et Tourjanski, la femme de ce dernier, Natalie Kovenko et le producteur Alexandre Kamenka. Mosjoukine, naturalisé français dans les années 1920, deviendra un acteur marquant du cinéma muet français.

Gilbert Schoon - collection Fondation Jérôme Seydoux-PathéQuand Emoliev débarque en France, avec sa troupe et tout son matériel, il s’installe à Montreuil où il signe, le 16 juillet 1920, avec Charles Pathé, son ancien patron devenu son associé, un bail pour la location du studio vitré désaffecté. Privilégiant, dans un premier temps, les films tournés ou joués par des émigrés russes, l’endroit devient le fief des Russes blancs de Paris et l’on parle de l’école russe de Montreuil. Il crée, avec Alexandre Kamenka (1888-1969), la maison de production Emolieff-Cinéma qui devient, en 1922, la Société des Films Albatros et adopte la devise "Debout malgré la tempête". Quatre ans plus tard, Emolieff vend ses parts à Kamenka et part pour l’Allemagne. Désormais, Alexandre Kamenka assure seul la direction des films de l’Albatros.

Jusqu’en 1928, la Société des films Albatros produit de nombreux films dont certains ont une renommée internationale. Plus de 1200 films et actualités y sont tournés, et la presse est unanime sur leur réussite. "L’âme de ce mouvement, c’est Alexandre Kamenka, mélange étonnant d’artiste et d’organisateur, de dilettante et de businessman qui entretient ardemment parmi ses collaborateurs cette mystique de l’effort collectif", peut-on lire dans un numéro de Ciné Magazine de 1926. Parmi les films les plus connus, nous trouvons Le Brasier Ardent d’Yvan Mosjoukine et Alexandre Volkoff (1923), Kean ou Désordre et Génie d’Alexandre Volkoff (1923), L’Affiche de Jean Epstein (1924), Le Lion des Mogols de Jean Epstein (1924), Casanova d’Alexandre Volkoff (1927), Napoléon d’Abel Gance (1927), Feu Mathias Pascal de Marcel Lherbier (1924), Carmen de Jacques Feyder (1926) ou encore Un Chapeau de Paille d’Italie de René Clair (1927).

Depuis 1926, Charles Pathé partage le monopole des pellicules vierges avec Kodak. En 1928, le studio de Montreuil étant devenu trop petit, face aux studios de Joinville-le-Pont ou de Boulogne, le bail de location est résilié. Pathé vend l’ensemble et une entreprise de métallurgie s’y installe. En tout état de cause, l’arrivée du parlant avait marqué la fin de la société Albatros, l’accent des acteurs russes étant trop prononcé. Cependant, la société continue à produire quelques films comme Les Bas Fonds de Renoir en 1935, avec Jean Gabin et Louis Jouvet. Charles Pathé meurt en 1957, un 25 décembre, à Monte-Carlo.

Pathé après Charles Pathé

Pathé est actuellement la plus ancienne société de cinéma encore en activité dans le monde après la Gaumont. Devenu un conglomérat depuis 1990, Pathé a fusionné avec Vivendi et s’occupe de la production de films, la distribution en salle et en vidéo, la vente à l'international et la gestion d'un catalogue de plus de 670 films, l'exploitation de salles de cinéma : le groupe Pathé possède 70 cinémas en France dont 49 multiplexes à travers sa filiale Europlaces ou les cinémas Gaumont-Pathé. D’autre part, au début des années 2000, le groupe possédait plusieurs chaînes de télévisions françaises généralistes ou thématiques. Il existe toujours des Studios Pathé à Saint-Ouen.

En 1997, le site de Montreuil a été inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques et Kamenka est entré au conseil d’administration de la cinémathèque française. Pourtant, en 2001, les anciens studios de Charles Pathé renaissent de leurs cendres. Le site accueille des ateliers d’artistes et des lieux de tournage tandis que, dans le Studio Albatros, Lucien et Lily Chemla organisent des activités artistiques. Plasticiens, cinéastes, danseurs, musiciens, metteurs en scène entretiennent le second souffle de la vocation artistique de Montreuil. L’équipe développe au Studio Albatros une action culturelle d’envergure égale à celle des beaux jours de la direction de Charles Pathé.

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