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Les patrons philanthropes et le logement ouvrier


Avant 1914, les logements sociaux demeurent rares malgré la création, en 1894, des Habitations à Bon marché (HBM) par la loi dite Siegfried. L’échec de certaines opérations pose le problème d’un logement adapté à la vie quotidienne des classes populaires. Après le rejet d’opérations de type phalanstérien, les nouveaux philanthropes, promoteurs de logements ouvriers, proposent des immeubles, seuls ou regroupés, permettant la vie sociale d’un petit nombre d’habitants. Acteurs privilégiés de la révolution industrielle, certains entrepreneurs, par souci de rentabilité ou pour répondre à une préoccupation humaniste, jouent un rôle éminent dans l’accueil des travailleurs affluant dans leurs usines et contribuent à concevoir un type d’habitat moderne. C’est notamment le cas de Madame Jules Lebaudy, veuve du célèbre sucrier, qui rachète le Groupement des Maisons Ouvrières et réalise ses fameuses fondations.

Une génération d’employeurs philanthropiques

Initiales du patron Théodore Leducq au-dessus du porcheLa banlieue du nord-est de Paris s’affirme dès la fin du XIXe siècle comme un précurseur en matière de logement social. Aux Lilas, les premières maisons ouvrières sont implantées dès 1872 et la cité-jardin La Ruche, à Saint-Denis, est construite entre 1891 et 1893, alors que la loi Siegfried n’est pas encore votée. Les politiques, convaincus que la question sociale est l’affaire du privé, plébiscitent le soutien et l’incitation à l’initiative privée. La loi Siegfried accorde de nouveaux avantages fiscaux aux associations philanthropiques de construction de logements populaires. Renforcée par la loi Strauss, en 1906, l’initiative privée prend le pas dans la plus grande partie des opérations immobilières. Sur le plan national mais aussi à l’aune de notre département, le logement patronal précède et domine largement le logement social. Lorsqu’en 1912 la loi Bonnevay autorise la construction et la gestion d’un patrimoine par les pouvoirs publics, les expériences de ces philanthropes sont la principale source d’inspiration.

En Seine-Saint-Denis, deux de ces expériences patronales demeurent. Situées à Pantin, elles ont toutes les deux été édifiées par le blanchisseur Théodore Leducq et sont typiques de l’originalité et de l’innovation dont a fait preuve cette génération d’employeurs.

Le blanchisseur Théodore Leducq loge ses ouvriers à Pantin

N°7 de la rue du Général CompansLe premier de ces deux ensembles se trouve dans le quartier de l’église, dans l’actuelle rue Théodore-Leducq. Les logements ouvriers de ce patron blanchisseur, l’actuelle blanchisserie Elis, ont été édifiés au tout début du XXe siècle. Les « pavillons Leducq » constituent un alignement en bande de cinq pavillons et tiennent à la fois de la typologie des corons miniers du nord de la France et de la cité-jardin anglaise. Ce sont de petits immeubles collectifs en brique dont la façade s’orne de motifs géométriques en briques plus claires, chacune des façades ayant son décor personnalisé.

Chaque immeuble, doté de deux étages, est implanté légèrement en retrait côté rue et précédé d’un muret surmonté d’une grille, aujourd’hui disparus. À l’arrière, les locataires peuvent profiter d’un jardin. Il n’est pas invraisemblable de penser que l’immeuble réalisé sur le trottoir d’en face par le même architecte, Randon de Grolier, est peut-être aussi une commande de Théodore Leducq.

Les immeubles du second ensemble, édifié vers 1910, sont situés aux numéros 6, 7 et 9 de la rue du Général Compans. Ceux-là sont au plus près de la blanchisserie, dans un îlot essentiellement dévolu à l’activité industrielle, entre le canal et les voies ferrées, adossés aux Grands Moulins de Pantin. En logeant ses ouvriers à cet endroit, Théodore Leducq profite au maximum de la proximité du site de travail. Dès la conception de l’ensemble, il demande à l’architecte parisien Randon de Grolier de regrouper dans le même édifice l’activité industrielle et le logement pour les ouvriers de sa blanchisserie.

N°6 de la rue du Général Compans avec les bow-windowsLes matériaux utilisés soulignent les différentes fonctions du bâtiment. Pour le n°6, R+5, les deux premiers niveaux, accueillant l’activité industrielle, sont en pierre meulière tandis que les étages supérieurs, consacrés à l’habitation, sont en briques agrémentés de bow-windows. Sur la clef de voûte de la porte cochère du numéro 7 de la rue du Général Compans, un bâtiment R+4 en brique rouge, sont gravées les initiales entrelacées de Théodore Leducq, fondateur de la blanchisserie. Quant au n°9, un bâtiment R+4 plus tardif, est un prolongement du n°7, de même facture mais enduit. Ces immeubles sont le seul exemple francilien connu de logements patronaux intégrant à ce point toutes les fonctions liées à la vie de l’entreprise. Il constitue avec les Grands Moulins de Pantin, la blanchisserie Elis et le canal, un ensemble historique urbain rare et remarquable.


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