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Histoire d'Ourcq

L'Ourcq, au fil du temps

Charles CICCIONE/GAMMA RAPHO

En 1802, Napoléon, alors premier consul, est alerté sur la situation déplorable de l’eau potable à Paris. Pour répondre à cet enjeu de santé public, il fait appel à l’ingénieur Pierre-Simon Girard pour concevoir un canal en détournant la rivière de l’Ourcq. Les travaux commencent et, vingt ans plus tard, le tout nouveau canal de l’Ourcq est inauguré.

Carte postale ancienne du canal à Pantin

D’une double utilité, ce canal permet à la fois l’alimentation de Paris en eau potable et l’établissement d’une nouvelle voie de transport de marchandises vers la capitale. Constitué de trois ouvrages (le canal de l'Ourcq, le canal Saint-Denis et le canal Saint-Martin), il voit très rapidement transiter de nombreux produits : matériaux de construction, bois, charbon... Les abattoirs de La Villette ouvrent en 1867. En 1923, les Grands Moulins de Pantin inspirés du modèle alsacien s’installent à leur tour au bord de cet axe stratégique pour profiter de la voie d’eau. L’architecture spectaculaire du bâtiment (47 mètres de hauteur) pouvant transformer jusqu’à 190 000 tonnes de farine par an, reflète la santé économique du canal, qui vit alors des années de pleine activité.

Dès la seconde moitié du XXe siècle, les choses se gâtent. La navigation de commerce sur le canal de l’Ourcq diminue progressivement au profit d’un acheminement ferroviaire fret. En 1974, les abattoirs de la Villette ferment leurs portes au profit de Rungis. En 2001, les Grands Moulins de Pantin n’accueillent plus de grains et mettent la clé sous la porte, suivis la même année par l’immense bâtiment des Magasins Généraux qui servait de bâtiment de stockage. Pour le canal commencent alors des années noires au plan économique pendant lesquelles les bâtiments, désormais à l’abandon, paraissent décrépir dans le désintérêt général.

Pourtant, ce n’est pas le noir et le silence qui envahissent le canal. Les friches de La Villette accueillent régulièrement des événements éphémères comme un concert des Rolling Stones, des fêtes foraines ou un skatepark. Porté par la culture hip-hop qui embrase le Nord-Est Parisien, les « crews » s’arment de bombes de peinture et viennent graffer murs et bâtiments. Une contre-culture forte, dynamique, rayonnante investit le canal. Des fresques colorent les murs, les graffeurs grimpent, escaladent, entrent dans les bâtiments abandonnés pour faire résonner les sons novateurs du rap. Ces différents artistes, qui trouvent là un nouveau terrain de jeu et d’expression, ne savent pas qu’ils encouragent l’extraordinaire mue du canal de l’Ourcq.

Un parc culturel qui réveille l'Est de Paris

Parc de La Villette

Le  premier grand jalon culturel qui amorce la transformation du canal est l’arrivée du parc de La Villette. Porté par la volonté de l’Etat, le projet de parc culturel voit le jour avec l’inauguration concomitante de la Grande Halle de La Villette réhabilitée et de la sphère emblématique de La Géode en 1985. Sur chaque rive un équipement culturel vient de naître. En 1986, c’est au tour de la Cité des Sciences et de l’Industrie – l’un des plus grands musées européens de science – d’être inaugurée puis, quelques années plus tard, de la Cité de la musique (1995).

Si le canal côté Paris connaît cette formidable renaissance, il faudra encore attendre une petite dizaine d’années pour que les lieux de diffusion culturelle misent sur la Seine-Saint-Denis. Le premier d’entre eux fut un bâtiment gris et massif qui imposait sa silhouette de béton brut au ruban d’eau de l'Ourcq. Ce centre administratif, qui abritait des services comme le centre des impôts, le commissariat de police ou la cantine des employés de Pantin, traînait une réputation austère, au point d’éclipser ce qu’il était vraiment : un joyau brut, ou plutôt brutaliste. Imaginé par le jeune architecte Jacques Kalisz, ce bâtiment était une révolution, cathédrale de béton et véritable manifeste de ce courant dit de l’architecture brutaliste. Mal entretenu, l’édifice se dégrade à vue d’½il et se vide de ses services. Souhaitant changer la destination du bâtiment, la mairie de Pantin décide d'en laisser l'exploitation au Ministère de la culture. Après une magnifique réhabilitation, qui a obtenu le prix de l'Equerre d’argent, le Centre National de la Danse est inauguré en 2004. Le colosse était touché par la grâce. La renaissance du canal côté Pantin était amorcée.

CND

L'Ourcq, un quartier culturel et créatif qui transcende les frontières

En 2007, l'Eté du Canal, fête populaire, devait créer le lien qui permettrait au canal de développer son potentiel, de montrer aux villes bordant l'Ourcq la force d’attraction de l’eau et d’imaginer des produits de loisirs et de culture festifs et populaires. Le succès public rencontré par la manifestation finit de transformer le regard porté sur le canal. Il ne s’agit plus alors d’un simple canal souffrant de son passé industriel, mais d’une ligne de vie, un chemin de promenade qui dévoilait une toute autre réalité. En naviguant, les frontières disparaissaient, la barrière physique et symbolique du périphérique se transformait en un pont lambda où il n’était plus possible de distinguer le moment où l’on quittait Paris pour entrer en Seine-Saint-Denis (et inversement).

Croisière sur l'Ourcq © Arthur Crestani

Il n’en fallait pas plus pour qu’une autre friche monumentale connaisse à son tour une spectaculaire transformation : les Grands Moulins de Pantin. Ces bâtiments emblématiques retrouvèrent leur faste d’antan, avec une activité bien différente puisqu'ils accueillent les bureaux de BNP Paribas, grâce à une spectaculaire rénovation orchestrée par Reichen & Robert. Puis vint le tour de la galerie internationale d’art contemporain Thaddaeus Ropac (2012). Installée dans une ancienne chaudronnerie, ce haut lieu de l’art contemporain expose encore aujourd’hui les ½uvres monumentales de signatures majeures – Anselm Kiefer, Roy Lichtenstein, Miquel Barcelo, Jeff Koons… La transformation s’accélère, et bars et restaurants fleurissent sur les berges, offrant aux nouveaux visiteurs des lieux conviviaux pour se restaurer. Du côté du parc de La Villette, nouvel événement : un bâtiment emblématique imaginé par Jean Nouvel dote Paris d’une salle philharmonique, la Philharmonie de Paris, juste à côté de la Cité de la musique.

La Philharmonie

À Pantin, l’histoire se poursuit avec l’arrivée d’un géant de la communication, BETC, qui investit un bâtiment iconique du canal entièrement tagué, les « Magasins Généraux », une entreprise qui revendique son ouverture à ce Paris élargi en installant au rez-de-chaussée son lieu de culture en écho à l’histoire du bâtiment (« Les Magasins Généraux »), l’entreprise revendique son ouverture à un Paris élargi et s’inscrit dans la dynamique générale des acteurs créatifs du canal de l’Ourcq. Aujourd’hui, des péniches culturelles peuplent les rives et plusieurs lieux ouvrent chaque année : espace de fête, écoles d’art, tiers lieux, espace de production ou de formation… Le canal voit émerger un écosystème sans cesse renouvelé, de La Cité Fertile (tiers lieu) à la Brasserie Demory (brasseur artisanal et beer garden) en passant par Km25 (lieu de fêtes et de concerts) ou Jardin 21 (bar et animations), sans oublier la monumentale friche des anciens laboratoires Roussel UCLAF à Romainville qui investit plus de 11 000 m² pour réunir une fondation d’art contemporain (Fiminco), des galeries d’art contemporain sous l’appellation Komunuma, les réserves du Frac (Fonds Régional d’Art Contemporain), une antenne de la Parsons School, des résidences d’artistes – et le projet continue de s’étoffer, devenu depuis peu le lieu de travail de la chorégraphe Blanca Li.

Le pouvoir d’attraction du canal de l’Ourcq ne cesse de s’amplifier et les initiatives continuent de participer à la vitalité créative de ce quartier. Dans un bel élan solidaire, les acteurs culturels amorcent entre eux de nouvelles collaborations et donnent un nouveau souffle à l’Ourcq, tout en préservant son identité de territoire populaire, industriel et avant-gardiste. Le grand quartier culturel et créatif et l’Est parisien n’a pas fini de grandir notamment dans la perspective des JO 2024.

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Bar éphémère au bord de l'Ourcq
Bar éphémère au bord de l'Ourcq © Nicolas Cardin