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Interview de Jade Lindgaard


  • Jade Lindgaard
  • Je crise climatique couverture du livre

Jade Lindgaard est écrivain, journaliste à Médiapart, et vit à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis. À un an de la Cop 21 au Bourget, elle a écrit un livre Je crise climatique et s'engage dans un collectif qui propose des "Toxic, détox Tour". Elle nous a fait le plaisir de répondre à nos questions sur son dernier ouvrage et sur ses balades dans le 93.

Vous venez de sortir "Je crise climatique", quel est l'objectif de ce livre ?

Au départ il y a une interrogation : Pourquoi une telle inaction face aux changements climatiques ? Nous avons aujourd'hui tout un savoir à notre disposition qui nous montre qu'il existe un dérèglement climatique, que celui-ci est en très grande partie causé par l'activité humaine. Nous avons une responsabilité dans ce qui se passe et dans ce qui va advenir. Même si nos sociétés parlent de plus en plus de développement durable, d'environnement, d'écologie... ce qui se passe est très en deçà de ce qu'il faudrait faire pour éviter une hausse des températures de 2°. Il y a un grand nombre de raisons qui expliquent cela, des raisons économiques, industrielles, politiques, mais aussi des raisons d'inertie individuelle. Le livre propose de raconter ce qui se passe au niveau de chaque individu face à cet enjeu du climat, et pourquoi nous sommes aussi résistants à faire entrer cette question dans notre vie. Comment pouvons-nous nous "déprivatiser", c'est à dire remettre en accord sa vie, son comportement individuel avec ces enjeux. C'est le cas par exemple quand nous participons au commerce équitable...

Ce livre est donc moins un mode d'emploi que des pistes de réflexion au niveau personnel ; à savoir comment ces facteurs changent notre manière d'être dans le monde contemporain.

Au terme de votre enquête, êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste quant à notre faculté de résilience ?

On est face à un enjeu gigantesque. Je suis en partie optimiste et en partie pessimiste. Je suis pessimiste dans le sens où le climat est déjà en train de changer et on sait aujourd'hui que la hausse des températures va être importante et que les bouleversements vont provoquer un grand nombre de catastrophes humaines. Des gens vont devoir quitter leur pays, des agricultures vont être bouleversées, les inégalités sociales vont être renforcées... et rien ne nous permet de dire que ces bouleversements ne vont pas se produire. Mais il y a un grand nombre d'actions possibles, pour agir il est important de croire que l'on peut changer les choses. C'est un pari à pendre collectivement. D'ores et déjà, un grand nombre d'alternatives existent concernant l'habitat partagé, les modes de transport qui ne passent plus uniquement par la voiture, de nouvelles formes de travail, de solidarités... Il y a le développement du mouvement des communs - en reconnaissant comme des biens en dehors du marché des produits comme l'eau, l'air ou la santé. C'est une forme de révolution culturelle déjà à l’œuvre dans la société, elle est très minoritaire aujourd'hui mais elle existe concrètement.

Les générations qui viennent ne sont-elles pas plus sensibilisées à ces questions ?

Quand on regarde les émissions de CO², de Gaz à Effet de Serre, on remarque qu'elles sont causées par l'activité économique, par la marchandisation qui sont liées à l'histoire industrielle du 19ème et du 20ème siècle. Lutter contre les GES revient à lutter contre un système qui est mis en place depuis plus d'un siècle avec de intérêts économiques énormes, la bataille est donc très difficile. Mais il y a un basculement générationnel sur ces questions, dans le sens où dans les années 50, 60, 70, il y avait une toute petite minorité active d'écolos qui dénonçaient les méfaits du consumérisme et du productivisme sur l'écosystème. Aujourd'hui l'audience grandit et on redécouvre ces penseurs que sont André Gorz, Jacques Ellul ou Serge Moscovici qui vient de nous quitter.

Il y a un effet générationnel mais il ne suffit pas d'être jeune pour être plus en accord avec de nouveaux modes de vie. La culture consumériste s'est beaucoup répandue, y compris dans ces jeunes générations qui habitent en Seine-Saint-Denis. Les ados que je croise ont vraiment la culture de la marque que ce soit pour leurs baskets, leurs vêtements, leurs sacs et ils ne vont pas manifester ou faire des actions contre le changement climatique. C'est un moment générationnel plus qu'une mobilisation d'une classe d'age. Ce n'est pas une raison pour baisser les bras. A l'école, il y a eu un travail énorme d'intégration du climat dans les programmes. De plus en plus de professeurs sont concernés et organisent des ateliers comme le montage de mini-plans climat à l'échelle d'un établissement. Il y a une floraison d'expérimentations, je suis souvent en contact avec des enseignants qui me parlent de leurs actions, il y a une vraie réflexion.
 

Comment expliquer l'audience relativement faible de l'écologie politique ?

Le mot écologiste lui-même est perçu de manière très négative par plein de gens. Comment cela se fait-il ? Mon hypothèse est que le parti écologiste français est dans une situation de décalage. Ils font de la politique à l'ancienne, avec des élus qui essayent de garder leur poste d'élu, d'accéder au pouvoir, qui se posent la question d'entrer, de sortir ou de rester dans un gouvernement alors qu'ils sont sur des sujets nouveaux qui remettent en cause de manière hyper radical le système. Peut-on faire de la politique à l'ancienne sur des sujets comme cela, je ne crois pas. Toutefois au niveau local, au niveau municipal, il y a plein d'initiatives. Si je prends l'exemple de la ville de Saint-Denis, je suis impliqué dans un collectif qui organise des « toxic tour ». C'est un collectif d'habitants de Seine-Saint-Denis qui organise des visites de lieux de pollution. L'idée est de faire comprendre que le climat n'est pas quelque chose d'abstrait, c'est tout proche de chez vous, le changement climatique est dans votre quartier. Ce sont les autoroutes, les data centers, les aéroports... Visitons ensemble et comprenons en quoi cela contribue au dérèglement climatique, comment on pourrait faire autrement et on explique que c'est aussi ça qui cause la pollution atmosphérique. C'est une manière, par la pollution, d'attirer l'attention des personnes sur le climat et rendre le lien plus concret et commencer à rassembler des gens sur ces idées. En octobre, nous avons organisé un « toxic tour » autour de l'autoroute A1 à Saint-Denis et en travaillant à ce parcours on s'est rendu compte qu'il y avait un élu à l'intégration des autoroutes urbaines. C'est un tout petit changement et il ne peut pas tout régler, mais le fait que la ville ait eu le besoin de créer ce type de fonction est très intéressante. Il y a localement des évolutions et peut-être plus qu'au niveau national.
 

Ne craignez-vous pas d’accroître encore la stigmatisation d'un territoire déjà en proie à de nombreux préjugés ?

Je comprends cette peur de la stigmatisation. Mais ces « toxic tour » ont un aspect « détoxe », ce n'est pas simplement montrer où est la pollution et la source des gaz à effet de serre, c'est montrer aussi les alternatives pour ne pas être uniquement dans un discours anxiogène et stigmatisant. Par exemple sur le « toxic tour » de l'Autoroute A1, nous sommes passés par la crèche parentale de la porte de Paris qui obéit à des règles très écolos, pour mettre en avant une initiative locale positive, et à la fin de chaque tour on demande aux participants d'imaginer ce qu'ils aimeraient voir à la place de ce qu'ils ont vu ce jour là, donc de ne pas être simplement dans la déploration du cadre dans lequel on vit, mais dans l'imagination d'autre chose de positif et de constructif. On essaye de mener les deux travaux en parallèle, l'idée n'est pas d'enfoncer un peu plus les gens dans le désespoir. Cela n'empêche pas que c'est un territoire hyper pollué et j'ai été très frappé en travaillant avec des gens d'Airparif de découvrir que la station posée en bas de l'autoroute A1 est la station d'Airparif qui mesure le plus haut taux de tous les polluants d'Ile-de-France ! Cette un facteur supplémentaire d'inégalité. A partir de ça que fait-on politiquement ? Le tour ne s'achève avec la fin de la balade mais en s'interrogeant sur ce que cela peut susciter comme demande et comme forme de mobilisation pour ne pas s'arrêter à ça. Nous nous sommes arrêtés à la Seine-Saint-Denis car c'est au Bourget qu'aura lieu la conférence climat fin 2015. Suite au 1er « toxic tour », un collectif de marseillaises en ont organisé un dans les quartiers nord de Marseille, un autre collectif en organise un à Roubaix. Chacun peu s'approprier l'idée et ce sera moins stigmatisant si cela se passe aussi dans d'autres villes.

Dans un tout autre registre, pouvez-vous nous indiquer un lieu de sortie proche de chez vous ?
 

Le café associatif à Aubervilliers qui s'appelle « Le Grand Bouillon » rue du Moutier à côté de la Mairie, et qui veut être un lieu de rencontres, de discussions, de débats...

Je crise climatique, Jade Lindgaard, éditions La Découverte, 240 p.

Lundi 01 Décembre 2014 - 18:42

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